Romina : « On s’imagine que maçonner ça implique juste des blocs et des briques, mais c’est de l’art »
Romina sait depuis l’adolescence que la construction est faite pour elle. Pourtant, face aux discours…
Qu’est-ce qui vous a attiré dans le métier ?
Tout a commencé lorsque j’étais enfant. Le mari de ma baby-sitter était menuisier et avait un petit atelier à la maison. Il m’arrivait de le regarder travailler et je suis vraiment devenue passionnée.
C’est ce qui m’a poussée à faire des études en menuiserie/ébénisterie, par passion du bois et pour la beauté du travail.
Vous avez ensuite travaillé en tant que menuisière?
Pour une femme, à l’époque où j’ai fait mes études, trouver un travail dans la menuiserie était compliqué. Il fallait que l’on prouve nos compétences. La force physique était encore prioritairement recherchée. Les hommes se disaient que si eux avaient déjà du mal, une femme en aurait encore bien plus.
J’ai beaucoup postulé et j’ai décroché un poste à 21 ans… mais l’entreprise a fait faillite et ça a été compliqué de retrouver un emploi dans ce domaine. On me disait « on vous rappellera » mais on ne me rappelait jamais. On m’avait plutôt conseillé un travail dans le secteur de l’action sociale et j’ai fait un stage comme éducatrice de rue ; j’ai fini par y travailler. Je ne voulais pas arrêter la menuiserie mais on ne me laissait pas ma chance alors j’ai pris ce qui venait.
Qu’est-ce qui vous a ensuite ramené vers le secteur de la construction ?
Je me suis dit « maintenant, tu dois faire ce que tu aimes, avoir le sourire quand tu arrives au travail ». Aujourd’hui, je suis de nouveau menuisière : je me sens bien dans mes baskets, je suis contente d’aller travailler.
J’avais entendu que l’entreprise BattyBois donnait une chance aux femmes, ils avaient déjà une peintre. J’ai postulé… et ils m’ont offert l’opportunité de prouver mes compétences. Une entreprise au top, vraiment.
Qu’est-ce qui vous plaît dans ce métier ?
La satisfaction de réparer ce qui abîmé et de restaurer d’ancien châssis, c’est vraiment quelque chose de passionnant. Chaque jour est une nouvelle occasion d’apprendre. C’est un métier sans limite.
Dans l’atelier, c’est aussi de la bonne humeur et de l’entraide. Si j’ai besoin d’un coup de main, j’ai toujours un collègue pour aider.
J’aime la simplicité et la spontanéité de la construction.
En quoi consiste votre travail au quotidien ? Y-a-t-il une journée type ?
Je suis responsable des finitions depuis 3 ans et demi.
Je reçois les châssis après le débitage, l’assemblage et le collage qui sont des tâches réalisées par d’autres collègues. Je les habille ensuite entièrement avec les croisillons et/ou les moulures avant qu’ils ne partent en peinture, au montage et au vitrage.
Une journée type dépend de la demande du client, je peux faire de trois à dix châssis selon la précision nécessaire.
Quels défis avez-vous rencontrés ?
Dans tous mes emplois, j’ai rencontré des défis.
On ne fait jamais la même chose, donc j’en relève tous les jours, surtout lorsque la demande du client est particulière. On travaille encore à l’ancienne en reproduisant à l’identique les portes et les châssis de l’époque. Il faut effectuer des recherches pour comprendre les anciennes techniques et les adapter avec des outils modernes et des pratiques moins dangereuses. Par exemple, lors d’un chantier pour la Grand Place de Bruxelles, nous avons dû reproduire fidèlement certains éléments parce que le bois était trop abimé. Ma préférence, c’est d’ailleurs la restauration et la reproduction parce que les techniques sont différentes et qu’on donne une seconde jeunesse à un bois qui a peut-être 50 ou 100 ans.
Avez-vous une anecdote concernant votre parcours à nous partager ?
Aujourd’hui, des entreprises qui m’avaient refusée reviennent me proposer du travail. C’est une belle revanche. Elles connaissent mes compétences, mais moi, je reste là où on m’a donné ma chance, où l’on a cru en moi. On est une chouette équipe, presque familiale. Et s’il me faut un coup de main, il y a toujours quelqu’un prêt à m’aider.
De quel projet ou réalisation êtes-vous particulièrement fière ?
Je travaille beaucoup sur des portes d’entrée très moulurées, des projets qui demandent du temps et de la réflexion. Les voir terminées à l’atelier, c’est déjà satisfaisant. Mais une fois posées sur chantier, avec les photos envoyées par les collègues, c’est encore plus gratifiant. Le avant/après montre vraiment la qualité de notre travail.
Être une femme dans la construction est-ce que ça change quelque chose selon vous ?
Ça ne change rien. Je suis fière, en tant que femme, de m’être battue pendant mes études. D’un point de vue familial, ça a été compliqué : ma mère m’a toujours poussée mais mes tantes n’y croyaient pas parce que « je n’étais qu’une femme ». Même trouver un stage était un défi. Aujourd’hui, je suis fière du chemin parcouru et d’être arrivée là où je suis.
Quel conseil donnerais-tu aux jeunes femmes qui souhaitent entrer dans ce domaine ?
La première chose, c’est de s’accrocher. Travailler de ses mains est très satisfaisant. Que ce soit en menuiserie, en maçonnerie ou ailleurs, il faut se dire qu’on en est tout autant capable que les hommes.
Foncez, gardez espoir, restez positives – le positif attire le positif.
Les meilleures décisions que l’on prend, c’est de se battre pour arriver à ce que l’on veut. Et lorsqu’on y arrive, on est fier de soi.
Ne baissez pas les bras après un « non », restez combatives et foncez. Si j’avais baissé les bras, je n’en serais pas là où j’en suis aujourd’hui.
Merci à Caro pour son témoignage et à l’entreprise Battybois pour son accueil !